L’abbé Voirnot devait connaître les deux bonnes ruches françaises Decouadic et Palteau. Il aurait pu, aussi bien que moi, trouver le moyen de se servir de l’extracteur pour extraire les rayons fixes de ces ruches. Son intelligence et sa persévérance dans d’autres recherches montrent qu’il en était capable. Or, l’abbé Voirnot n’a jamais parlé de ces deux ruches. Fasciné par les avantages de l’extracteur, il a accepté de suite la ruche à cadres qui permettait de suite de se servir de l’extracteur. Mais il n’a pas accepté la ruche Dadant telle qu’elle lui était présentée ; il en a compris les défauts. DimensionsLes dimensions de la ruche Dadant l’ont frappé tout d’abord. Après des observations bien méritoires, l’abbé Voirnot a conclu que 100 décimètres carrés de rayons donnaient à la ruche une dimension nécessaire, mais suffisante pour l’hiver et le printemps. C’est la dimension qu’il a donnée à sa ruche et qui fait sa supériorité sur la ruche Dadant. Hauteur et formeL’abbé Voirnot a donné plus de hauteur au cadre de sa ruche afin que les abeilles aient toujours toutes leurs provisions au-dessus de leur groupe. Donc, plus de mortalité de colonies à côté de bonnes provisions. L’abbé Voirnot a donné à sa ruche la forme carrée, parce que cette forme se rapproche le plus de la forme cylindrique, forme où la répartition de la chaleur se fait le plus également, mais forme de construction trop coûteuse. Cette forme carrée permet de placer la ruche, à volonté, à bâtisse chaude ou à bâtisse froide : petit avantage. L’abbé Voirnot a donné aussi à sa ruche la forme cubique, parce que cette forme se rapproche de la forme sphérique, forme où la répartition de la lumière se fait le plus également. Là, l’abbé Voirnot a commis une erreur. Dans la ruche nous n’avons pas à envisager la lumière : les abeilles ne désirent que l’obscurité. Et cette forme cubique a empêché l’abbé Voirnot d’élever son cadre autant que M. de Layens. Erreur fâcheuse. AgrandissementL’abbé Voirnot a vu aussi les inconvénients de l’agrandissement dans la ruche Dadant. Sur ce point, il s’est contenté de réduire à 0,10 la hauteur de la hausse de sa ruche. C’est peu de chose. Peuplement et provisionsVu les dimensions de la ruche Voirnot, un essaim de 2 kg suffit pour la peupler et 15 à 16 kg de miel suffisent comme provisions hivernales : deux avantages qui ont leur importance. Mais n’oublions pas que dans notre ruche, 12 kg de provisions suffisent largement. À part les avantages que nous venons de signaler, la ruche Voirnot conserve tous les défauts de la ruche Dadant : cadres, cire gaufrée, coussin, visite de printemps, agrandissement, provisions, planchettes. Chapitre 18
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Comme l’abbé Voirnot, M. de Layens a accepté de suite le principe du cadre mobile. Toutefois, par la hauteur qu’il a donnée à son cadre, il semble s’être souvenu des bonnes ruches françaises. En tout cas il n’a pas accepté non plus la ruche Dadant avec ses défauts.
M. de Layens a donné à son cadre une hauteur de 0,37. Ce cadre est meilleur que celui de la ruche Voirnot qui n’a que 0,33. Avec ce cadre, mieux encore qu’avec celui de la ruche Voirnot, les abeilles ont toujours toutes les provisions au-dessus de leur groupe. Là non plus, plus de mortalité de colonies à côté de bonnes provisions. La ruche Layens, réduite à 9 cadres par des partitions, donne un hivernage parfait.
Or, la dimension du cadre Layens, 0,37 x 0,31, se rapproche de celle des deux rayons superposés de notre ruche, 0,40 x 0,30.
Dans une ruche Layens réduite à 9 cadres par des partitions, un essaim de 2 kg suffit, et 15 à 16 kg de miel suffisent également comme provisions hivernales. Notez que c’est encore 3 à 4 kg en plus que dans notre ruche.
M. de Layens a vu aussi de grosses difficultés dans la pose de la hausse sur la ruche Dadant. Catégorique, il a simplement supprimé la hausse et il l’a remplacée par des cadres ajoutés de chaque côté de la chambre à couvain. M. de Layens s’est trompé. Quand les abeilles ont garni de miel le cadre placé contre la chambre à couvain, elles ne peuvent passer sur ce cadre pour porter le miel dans les cadres suivants. Il faut surveiller ce cadre. Quand il est à moitié garni de miel, il faut l’éloigner et mettre à sa place un cadre vide. Sinon les abeilles essaiment faute de place utilisable. Les difficultés de l’agrandissement ne sont pas diminuées, au contraire.
La ruche Layens n’a donc comme avantage que la hauteur de son cadre. À part cela, elle a tous les défauts de la ruche Dadant : cadres, cire gaufrée, planchettes, coussin, visite de printemps, agrandissement, provisions.
On reparle de la ruche Layens modernisée. Or il y a une cinquantaine d’années que nous avons abandonné cette ruche neuf cadres avec hausses. L’hivernage s’y faisait bien, mais les abeilles ne montaient que rarement dans les hausses. Au sommet des cadres hauts, il reste souvent un peu de miel. Or les abeilles n’aiment pas passer sur le miel. Elles préfèrent essaimer.
Je n’ignore pas que beaucoup de propriétaires de ruches ne les conduisent pas selon les principes apicoles dont j’ai parlé.
Ils jettent un essaim dans une ruche. Au printemps, ils ajoutent une hausse. À l’automne, ils récoltent le miel de la hausse. C’est tout.
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Il y a trop de miel dans le nid à couvain et les abeilles essaiment au printemps, faute de place. Ou bien il n’y a pas assez de miel et les abeilles meurent de faim si on ne les sauve pas assez tôt par un nourrissement ruineux.
Les abeilles nées dans les vieux cadres sont faibles, sans résistance aux maladies, dangereuses pour les ruchers voisins.
De plus, les cadres du nid à couvain cessent bientôt d’être mobiles.
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Pour ces apiculteurs, les ruches modernes ne conviennent pas. Ils devraient adopter la ruche mixte.
La ruche mixte est une ruche vulgaire ou commune à rayons fixes sur laquelle on place une hausse à cadres mobiles. Le bas, ou nid à couvain, peut être en paille, en osier ou en bois.
La ruche à calotte leur conviendrait également, mais je viens de le dire bien haut, ces ruches n’ont qu’une qualité : elles sont économiques, dans leur établissement seulement, car elles conduisent à des désastres parce que leurs rayons ne sont pas renouvelés et parce que les provisions ne sont pas vérifiées. Si les provisions sont insuffisantes, les abeilles mourront. Si les provisions sont trop abondantes, les abeilles essaimeront faute de place ; en tout cas, elles ne monteront ni dans la hausse ni dans la calotte, parce qu’elles ne passent pas sur le miel.
Beaucoup de jeunes amateurs d’abeilles adoptèrent la ruche moderne à cadres à son apparition. Bon nombre de propriétaires de ruches vulgaires restèrent pourtant fidèles à leur système.
La plupart sont des paysans prudents qui préfèrent la certitude, même à la probabilité. Or, les années se sont succédé sans qu’ils aient eu la preuve de leur erreur.
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Voici une observation qui aboutit à la même conclusion. Dans mon village natal, chaque famille avait son rucher. Tous mes camarades d’enfance consommaient comme moi, chaque hiver, en abondance, de bonnes tartines au miel. Vingt ans plus tard, j’étais le seul à posséder des ruches. Dans quelques jardins, il y avait soit une ruche Dadant, soit une ruche Layens, abandonnée, vide bien entendu. Les propriétaires s’étaient laissé tenter par la réclame de quelque exposant dans les concours agricoles. Ils avaient cru faire mieux avec ces ruches modernes. De fait, ils avaient abandonné la seule ruche, qui leur convenait.
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Les méthodes suivies avec la ruche vulgaire sont multiples, comme les buts poursuivis par les apiculteurs. Ces méthodes restent d’ailleurs pour la plupart mystérieuses. Il est très difficile d’arriver à les connaître en détail.
En tout cas, voici ce qui se faisait au rucher paternel où se trouvaient toujours douze à quinze ruches vulgaires.
La ruche était faite pendant les soirées d’hiver, avec de la paille de seigle, cousue avec des ronces fendues ou avec de la ficelle.
Sa contenance était de 40 litres. Aux plus fortes, au premier printemps, on ajoutait en guise de hausse, en dessous, le cercle en bois d’un tamis de cuisine dont la soie avait disparu. À l’automne, on asphyxiait toutes les ruches qui pesaient plus de 25 kg. On en récoltait le miel et la cire.
Dans le cours de l’été, on recevait tous les essaims dans des ruches vulgaires vides. Au printemps, certains essaims tardifs étaient morts de faim. On en récoltait la cire.
À la maison paternelle, il y avait toujours du miel en abondance pour maîtres et ouvriers, même pour les animaux de la basse-cour. Tous les amis de la ville avaient aussi leur part chaque année.
Ce procédé était simple et peu dispendieux, mais barbare, ingrat même, et aussi irraisonné, car il ne donnait pas le maximum de production. Ce procédé, toutefois, procurait du miel à bon marché et des abeilles saines et fortes pour repeupler les ruches modernes où la mortalité est fréquente.
Pour tirer parti de la ruche vulgaire voici comment on pourrait opérer. Au commencement de la grande miellée, faire monter les abeilles dans une ruche vulgaire vide, comme nous l’indiquons plus loin au chapitre Transvasement. Le miel et la cire seraient récoltés et le couvain détruit.
Les événements ont poussé vers l’apiculture nombre de personnes : les unes par manque de sucre, les autres par nécessité d’un petit travail rémunérateur. Des ruchers se sont créés. Des ruchers se sont agrandis. Les petits ruchers disparaîtront certainement dès que le sucre sera revenu sur le marché libre. Il restera quand même plus de ruches que jamais. Il y aura donc une plus grande production de miel.
Or la consommation actuelle du miel se maintiendra-t-elle ? Oui, si le miel est vendu au prix du sucre, plutôt moins cher, car le sucre est le seul concurrent du miel. On n’achète pas du miel pour remplacer le beurre, on achète du miel pour remplacer le sucre.
Le miel est le seul sucre hygiénique, c’est entendu. Mais le sucre a une puissance sucrante plus forte et il est d’une manipulation plus facile.
Les optimistes nous disent que le public, obligé d’employer le miel depuis quelques années, a pu en apprécier les qualités et qu’il lui restera fidèle, et aussi qu’une publicité intelligente continuera à pousser le public vers le miel. Je n’en crois rien.
J’ai fait beaucoup de publicité dans ma vie et pour le miel et pour les plantes médicinales. J’ai eu des correspondants, non seulement en France, mais dans le monde entier, en Turquie, aux Indes, en Chine, en Amérique, etc. Or, j’ai constaté que partout il y a des hommes raisonnables qui savent se soumettre aux lois de la nature et de l’hygiène, pour avoir une vie sans souffrance et une mort tardive sans douleur. Oui, mais combien peu ! La plupart des hommes, le grand nombre, préfèrent une pilule ou une piqûre à une tasse de tisane, un morceau de sucre à une cuillère de miel, quelques-uns en raison d’une économie apparente, passablement en raison de la commodité, beaucoup simplement pour faire comme tout le monde. Et comme tout le monde, ils contractent toutes les maladies possibles, comme tout le monde ils font vivre médecins et pharmaciens, comme tout le monde ils meurent plus tôt et péniblement. Un sage n’a-t-il pas écrit que les hommes se tuent en mangeant.
Les événements ont-ils changé les hommes ? Je ne l’ai pas constaté.
Donc les apiculteurs devront vendre le miel au prix du sucre pour soutenir la concurrence, et même moins cher s’ils veulent faire les nouveaux clients dont ils auront besoin.
Dans ces conditions, l’apiculture sera-t-elle encore rémunératrice ? Oui, mais à la condition d’employer des ruches économiques et de suivre une méthode économique pour obtenir du miel à un prix de revient minime. Certainement on ne peut obtenir ce résultat avec les ruches et les méthodes en vogue dont nous venons de parler. On le peut avec la ruche et la méthode que nous allons vous proposer.
Décidé à faire de l’apiculture, je me trouvais perplexe devant divers systèmes de ruches modernes.
La ruche Dadant était la plus répandue. La première, elle avait permis l’emploi de l’extracteur, invention très utile ; mais déjà les ruches Voirnot et Layens, qui en étaient la critique à des points de vue différents, la concurrençaient sérieusement. Une autre ruche venait d’apparaître. C’était la ruche Congrès, à cadres 30 x 40, sous deux formes, l’une basse, l’autre haute. Ne pouvant tirer une conclusion raisonnée des polémiques retentissantes d’alors, je résolus d’adopter tous ces systèmes pour les étudier.
Par ailleurs, les études de l’abbé Voirnot sur le volume de la ruche me paraissaient intéressantes, d’autant plus que le docteur Duvauchelle, mon premier maître en apiculture, venait de modifier sa ruche et de lui donner huit cadres 30 x 40 bas, soit 96 décimètres carrés de rayons. Or, la ruche Voirnot avait 100 décimètres carrés de rayons. Le docteur Duvauchelle semblait donc adopter les conclusions de l’abbé Voirnot sur ce point.
Précédemment, sa ruche n’avait que 8 cadres 28 x 36, donc 81 décimètres carrés de rayons.
Voulant étudier à fond cette question de volume de la ruche pendant l’hiver, j’ai construit des ruches avec neuf cadres Layens et des ruches avec huit cadres 30 x 40, les unes basses, les autres hautes. Ces ruches avaient approximativement le volume de la ruche Voirnot.
Ne voulant pas baser mon expérience sur une ou deux ruches, mais sur une douzaine au moins de chaque système, j’ai été amené à construire 350 ruches.
À mon grand étonnement, j’ai constaté de suite que les abeilles consommaient moins de provisions dans les ruches à parois simples où elles ressentaient cependant plus le froid de l’hiver. C’est pourtant normal. Dans les ruches à parois simples, les abeilles sont engourdies, elles sont comme dans un sommeil continuel. Or, qui dort dîne. Dans les ruches à parois chaudes, les abeilles sont plus longtemps en activité ; elles ont besoin de soutien. La paroi simple économise donc bois et provisions, jusqu’à 2 kg de novembre à février. J’ai vite constaté aussi que dans les chambres à couvain recouvertes de planchettes ou de toile cirée les rayons extrêmes noircissaient vite et même pourrissaient sous l’effet de l’humidité. Dans les chambres à couvain recouvertes de toile il n’en était pas de même.
Nous en avons donné les raisons précédemment.
Après une quinzaine d’années d’observations, j’ai cru pouvoir tirer les conclusions suivantes.
M. de Layens, l’avocat des apiculteurs, a raison de dire que la ruche Dadant demande trop de dépenses d’argent et de temps ; il a créé un bon cadre ; il a indiqué une construction de ruche, facile et économique. Par contre, il a fait fausse route en remplaçant la hausse par des cadres placés horizontalement contre le couvain.
L’abbé Voirnot, l’avocat des abeilles, a raison quand il reproche à la ruche Dadant de nuire aux abeilles par son volume et par celui de sa hausse. La ruche Voirnot constitue un grand progrès.
Je résolus donc de reprendre les études de ces maîtres en apiculture avec l’espoir d’arriver à un meilleur résultat, puisque, venant après eux, je profiterais de leurs travaux.
Enfin, nous pouvions tirer cette conclusion importante : le volume de la ruche Voirnot est suffisant, quoique plus petit, donc le meilleur, car plus la chambre à couvain est réduite, plus la consommation hivernale est diminuée. Toutefois, l’hivernage se faisait mieux sur les cadres hauts comme le cadre Layens et le cadre 30 x 40 haut.
Nos préférences allaient au cadre 30 x 40, parce qu’il facilitait nos calculs.
D’ailleurs, la forme d’une ruche à huit cadres 30 x 40 se rapproche de la forme de l’essaim, et elle permet aux abeilles de placer plus de miel au-dessus de leur groupe, ce qui favorise un bon hivernage, même en cas de froid prolongé.
De plus, cette forme facilite le développement du couvain au printemps. Quand les abeilles veulent descendre le couvain d’un centimètre, elles doivent chauffer ce centimètre sur toute la surface de la ruche. Or, cette surface varie de 900 cm2 dans notre ruche, à 2 000 cm2 dans la ruche Dadant. Il est évident que le travail de l’abeille sera facilité dans notre ruche.
Et encore huit cadres 30 x 40, en nous fournissant la surface nécessaire, nous donnaient une forme carrée. Or, le carré est la forme qui se rapproche le plus de la forme cylindrique, forme idéale parce qu’elle favorise le rayonnement de la chaleur à l’intérieur de la ruche, mais forme peu praticable.
La forme carrée permet aussi de placer les ruches, à volonté, à bâtisses chaudes en hiver, à bâtisses froides en été, ce qui est à considérer.
J’avais donc une ruche à huit cadres 30 x 40, ruche parfaite pour l’hiver. Mais si la ruche doit être de dimensions réduites en hiver, en été elle doit fournir aux abeilles, largement, l’espace dont elles ont besoin, deux, trois fois plus qu’en hiver. Que faire ?
Placer une hausse sur cette ruche ? C’était retomber dans l’erreur reprochée à la ruche Dadant : passe-temps et refroidissement du couvain. Dans notre cas, il y avait encore un autre inconvénient. Nous avions constaté que les abeilles montaient difficilement dans les hausses placées sur cadres hauts, parce qu’il reste souvent un peu de miel au sommet de ces cadres. Or l’abeille passe difficilement sur le miel.
Placer un autre corps de ruche au-dessous comme le faisait l’abbé Voirnot dans des ruchers éloignés ? Pour beaucoup de ruches, le résultat était bon. Les abeilles remplissaient de miel la ruche supérieure et s’installaient dans la ruche inférieure. Nous enlevions la ruche supérieure pour en récolter le miel et au printemps nous la placions au-dessous de la ruche habitée.
De ce fait, tous les travaux apicoles se trouvaient simplifiés. Au printemps, nous procédions au nettoyage du plateau après avoir déplacé la ruche sans la découvrir. Nous n’avions ni à nettoyer les cadres, ni à renouveler les vieux rayons. Nous faisions ce travail quand chaque corps de ruche passait dans nos mains au laboratoire, tous les deux ans.
L’agrandissement par un corps de ruche placé au-dessous de l’autre est aussi un grand progrès. Il n’est pas nécessaire de découvrir les ruches pour voir leur besoin. On peut faire cet agrandissement très tôt, sans danger de refroidissement, pour éviter plus sûrement l’essaimage, et, en même temps, pour toutes les ruches, faibles ou fortes.
Toutefois, les abeilles ne remplissaient pas toujours de miel le corps de ruche supérieur. Il s’y trouvait parfois du couvain au bas des cadres et du miel en haut. La récolte en était difficile. Et souvent mes auxiliaires disaient : « Il faudrait pouvoir scier en deux ce corps de ruche. »
Nous l’avons remplacé par deux hausses donnant le même volume avec la même forme. Nous avons fait de même pour celle de dessous. Nous récoltions les hausses pleines de miel du haut, une ou deux, nous laissions les deux hausses suivantes pour l’hivernage nous enlevions les autres s’il y avait lieu. Au printemps, nous placions une ou plusieurs hausses en dessous.
À un moment donné nous faisions l’élevage de reines et la fourniture des essaims. Or un soir, une commande de 12 essaims fut annulée. J’avais des ruches vides pour les loger, mais je n’avais de cire gaufrée que pour deux ruches. Dans les autres ruches je me suis contenté de placer des amorces en cire brute en haut des cadres, m’aidant beaucoup de mon couteau pour régulariser ces amorces. Or j’ai constaté que sur ces amorces les abeilles avaient construit leurs rayons au moins aussi vite que sur la cire gaufrée et que ces rayons étaient plus réguliers. J’ai donc continué à n’employer que des amorces en cire brute et je n’ai jamais eu à le regretter.
La Ruche Populaire était créée.
Or, si les petites ruches à cadres économisent les provisions hivernales et facilitent le développement du couvain au printemps, une ruche à rayons fixes le fera encore mieux puisque son volume est moindre : 36 litres au lieu de 44. Nous avons donc créé la Ruche Populaire à rayons fixes. Or, nous avons constaté que la Ruche Populaire à rayons fixes économisait 3 kg de provisions en plus que la Ruche Populaire à cadres. Nous avions donc deux ruches : la Ruche Populaire à rayons fixes, ruche parfaite, mais ne convenant pas à une grande exploitation, parce qu’elle ne permettait pas l’emploi de l’extracteur ; la Ruche Populaire à cadres, bien supérieure aux autres ruches modernes, inférieure toutefois à la Ruche Populaire à rayons fixes, mais convenant aux grandes exploitations.
Depuis, nous avons cherché, et avons fini par trouver des cages fort simples qui permettent l’extraction du miel des rayons fixes au moyen de l’extracteur.
Maintenant c’est donc la Ruche Populaire à rayons fixes qui s’impose à tous, car la Ruche Populaire à rayons fixes est la ruche économique par excellence : construction facile, en tout cas peu coûteuse — pas de cadres — pas de cire gaufrée — peu de visites — ouverture de la ruche une seule fois dans l’année — 12 kg de provisions hivernales au lieu de 15 à 18 — respect des lois de la nature, donc pas de maladies.
La Ruche Populaire à rayons fixes se compose d’un plateau, de trois hausses semblables et d’un toit.
Le plateau a les dimensions extérieures des hausses avec une épaisseur de 0,015 à 0,020. C’est dans l’épaisseur du plateau qu’est pratiquée l’entrée de la ruche.
Cette entrée a l’épaisseur du plateau, une largeur de 0,12, une profondeur de 0,04 si les parois des hausses ont une épaisseur de 0,02. Cette entaille du plateau est fermée en dessous par une planchette de 0,16 x 0,16.
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Cette planchette est clouée de façon qu’une partie, 0,07 x 0,16, déborde en avant. On peut donner à cette planchette une longueur totale de 0,41 pour consolider le plateau.
Les hausses reposent directement sur le plateau et l’une sur l’autre sans emboîtement.
Les hausses sont en moyenne au nombre de trois. Deux hausses constituent le nid à couvain pendant l’hiver et le printemps. La troisième hausse n’est ajoutée que pour la miellée. Or, ces trois hausses ont les mêmes dimensions.
À l’intérieur les hausses ont 0,21 en hauteur, 0,30 en largeur et en longueur.
À l’intérieur des hausses, en haut, sur deux côtés, il y a lieu d’établir deux feuillures pour recevoir les rayons. Ces feuillures ont une largeur de 0,01 et une hauteur de 0,01.
L’épaisseur des parois des hausses doit être de 0,02 au moins.
Sur deux faces extérieures de chaque hausse on place un tasseau pour faciliter leur maniement.
Chaque hausse doit contenir huit porte-rayons. Ces porte-rayons ont les dimensions suivantes : 0,009 x 0,024 x 0,315.
Les porte-rayons sont fixés dans les feuillures avec une petite pointe, dite de vitrier. Ces porte-rayons sont d’ailleurs placés à une distance de 0,036 de centre à centre. Entre chacun d’eux il y a donc un vide de 0,012 pour le passage des abeilles. Il y a aussi une distance de 0,012 entre les porte-rayons extrêmes et les parois adjacentes. Ce vide permet la construction complète de ces rayons.
Le toit emboîte la hausse supérieure avec un jeu de 0,01. Le toit renferme une toile qui recouvre les porte-rayons et un coussin.
Ce coussin a les mêmes largeur et longueur que l’extérieur des hausses. Sa hauteur sera de 0,10. Le dessous du coussin est garni d’une toile. La partie cubique du toit aura la même hauteur augmentée de 0,02. Cette partie cubique est recouverte de planches qui servent en même temps à couvrir le coussin.
La partie angulaire du toit est vide et ouverte sur les quatre faces. Il y a passage d’air libre en haut des pignons A (partie ombrée) et en haut des côtés B (partie ombrée).
Nous avons dit que le toit renferme une toile qui recouvre les porte-rayons de la hausse supérieure pour empêcher les abeilles de coller les porte-rayons au coussin.
Cette toile peut être taillée dans un sac usagé. Elle doit avoir d’abord comme dimensions : 0,36 x 0,36 au minimum.
Pour empêcher les abeilles d’effiler cette toile, on la mouille avec de la colle de pâte.
Pour donner à cette toile la forme et la dimension nécessaires, on la place encore mouillée sur la hausse. Quand elle est sèche, on la coupe en suivant les bords extérieurs de la hausse. Si on coupait définitivement la toile avant de la mouiller, on ne lui trouverait plus ensuite les dimensions nécessaires.
Pour faire la colle de pâte, délayer dans un litre d’eau 4 ou 5 cuillerées à soupe de farine de blé ou mieux de seigle. Faire bouillir, en remuant avec une cuiller, jusqu’à l’obtention d’une pâte liée, bien homogène. On se trouvera bien d’ajouter un peu d’amidon à la farine.
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Le toit-chalet est plus coquet ; celui-ci suffit et il est plus économique. Toutefois il est préférable de donner aux tasseaux C et C’ une largeur de 0,16 au lieu de 0,04, pour leur permettre de recouvrir complètement le coussin qui a 0,10 et d’emboîter la hausse supérieure de 0,02.
Le coussin doit avoir extérieurement en longueur et largeur les mêmes dimensions que les hausses, moins 5 mm pour faciliter le travail. Le toit doit emboîter le coussin et couvrir 2 cm de la hausse supérieure avec un jeu de 1 cm au moins pour faciliter le travail.